De la rue à la galerie

Nosbé

Malgré le fait que les graffitis dans la rue soient réprimandés par loi, cet art a su être reconnu au cours des dernières années. Les artistes sont devenus en vogue, de nombreuses galeries les réclament et certaines mairies leur demandent même de graffer sur certains endroits, par exemple les écoles. Des murs dans des terrains vagues, et même dans les villes, sont réservés aux graffeurs, comme par exemple l’association le M.U.R dans Paris qui consacre un mur dans le marais à des artistes et le changent toutes les deux semaines.


Le cinéma s’intéresse également au graffiti, des films ont été réalisé sur le sujet, tels que The Writers, La Guerre des souterrains et  Faites le mur sur l’artiste anglais Banksy. Deux films ont également été réalisés sur la vie de Jean-Michel Basquiat (1960-1988), artiste new-yorkais d’origine haïtienne qui a débuté dans la rue puis a su s’affirmer avec son originalité et sa détermination et est devenu un peintre célèbre exposé dans de nombreux pays. On trouve également de nombreux ouvrages sur le sujet.


Le graffiti est un art jeune qui a cependant réussi à toucher les quatre coins de la planète.


Le graffiti est né dans la rue au début des années 1970 à New York, aux Etats-Unis. Ce mouvement connut un succès phénoménal et entra dans le monde de l’art contemporain. Cette nouvelle activité, dont les principaux adeptes venaient surtout des quartiers pauvres, fut appelée writing. Pour la plupart, ce sont des adolescents qui appartiennent à la communauté hispanique ou afro-américaine. Leurs styles évoluent avec les années, le but étant d’être vu le plus possible en inscrivant sa signature partout en élaborant les styles calligraphiques afin de réaliser leurs projets sur les trains ou les métros. La bombe aérosol, régnant en maître dans le sac à dos, remplaçait le pinceau. Pour les jeunes artistes, taguer leur nom était l’affirmation avec force de leur identité. Ils voulaient simplement affirmer qu’ils étaient présents en prenant possession des tunnels, des couloirs de métro, et, bien sûr, des murs. Ces années-là furent remplies de leurs nombreuses créations colorant les villes et changeant des ruines abandonnées en œuvres d’art.

Cette culture, les jeunes des villes du monde entier se l’approprièrent, de Paris à New York, en passant par Buenos Aires, Rio de Janeiro... Cet art nouveau a bien souvent été réprimandé par la loi mais les choses ont tendance à changer ou à s’assouplir. 

Puis, au tournant des années 1970-80, le monde de l’art commence à s’intéresser au graffiti et des galeries se consacrent à cet art nouveau. Cependant, bien que le graffiti devienne un art reconnu et que de nombreuses galeries se l’arrachent, cet art fait partie du «street art» et comme cette expression l’indique, le graffiti est né dans la rue et doit donc rester dans la rue pour garder son sens et ses objectifs. Ce sujet fait débat dans ce milieu, de nombreux artistes ne veulent pas exposer dans des galeries. Cet art était à la base une guerre artistique contre les détenteurs du pouvoir et était aussi le moyen d’échapper à la pauvreté et au ghetto. Cornbread, graffeur de Philadelphie, est devenu célèbre après avoir tagué son nom à la bombe sur un éléphant, comme Banksy (né en 1974) qui insulte la police sur un cochon.
Banksy
(«Nique la flicaille»)

Cet artiste mondialement connu a détourné toutes les règles en installant lui-même ses œuvres dans des musées respectés du monde, en toute clandestinité. Ce genre d’acte est la marque de l’artiste car tous ses actes font preuve d'originalité et d’audace. Il est allé par exemple graffer sur le mur de Palestine. C’est ce qui a créé sa popularité.

Si le graffiti arrive à percer dans les galeries, la rue doit cependant rester son principal terrain. La recherche de l’endroit ou du support idéal devient une obsession et l’originalité de plus en plus grande. Après les murs, les RER et les métros, les sols, les animaux, certains artistes s’attaquent aux cabines téléphoniques et ne les recouvrent pas simplement de tags. C’est le cas d’Ernest Pignon Ernest (né en 1942), qui décore les rues de personnages à l'échelle humaine.

Le graffiti obtient une reconnaissance bien méritée vers la fin des années 1970, avec de nombreux artistes qui vont changer son histoire. C’est à cette époque que les premières expositions au sein des galeries et des musées ont été organisées. A cette période, de nombreux graffeurs se sont donc décidés à peindre sur de nouveaux supports, comme des toiles ou des palettes en bois, des planches…

Cette idée de «street art» ou d’art urbain, coloré et très expressif, a su charmer des agents, des spécialistes d’art ou des vendeurs, et les artistes reçurent plusieurs offres de leur part afin d’organiser des expositions dans des galeries spécialisées en art de la rue ou en art «underground».

A New York, les galeries Fashion Moda, Sydney Janis Gallery, Tony Shafrazi Gallery et la Fun Gallery furent les premières à exposer cet art nouveau. Deux grands noms viennent alors à l’esprit, Keith Haring (1958-1990) et Jean-Michel Basquiat par exemple, sont deux artistes qui ont débuté dans la rue puis se sont reconvertis dans la peinture et ont tous deux exposés leurs œuvres dans ces galeries.

Vers le milieu des années 1980, la France suit les Etats-Unis en ouvrant son premier musée ayant pour sujet principal le graffiti. Puis en 1987, le musée de la Mémoire des murs ouvre et on y trouve toute une collection de graffitis, qu’ils soient anciens ou récents.

Des graffeurs ont souvent été payés pour avoir peints lors de différents événements ou autres occasions, de grandes sociétés mondiales comme Nike, IBM, Sony ou encore des lignes de vêtements comme Ecko se servent du graffiti comme moyen publicitaire ou de communication en employant des graffeurs. Ils arrivent ainsi à toucher un public jeune.

La société IBM (société informatique) a utilisé le graffiti à des fins publicitaires afin de faire connaître un de ses produits nommé Linux. Elle commanda donc à quelques artistes de peindre sur les trottoirs de différentes villes comme Chicago et San Francisco. Mais l’entreprise fût poursuivie et dut débourser des montants importants par la suite, à cause de l’illégalité de leur campagne publicitaire.

Quelques années plus tard, l’entreprise Sony employa des techniques similaires mais en s’assurant toutefois de la légalité de ses actes en payant les propriétaires des bâtiments sur lesquels ils comptaient afficher leurs publicités.

Aujourd’hui, le graffiti fait partie de l’art contemporain et continue de gagner en crédibilité. Pour certains, il est le plus puissant mouvement artistique de l’art moderne, même s’il existe depuis toujours. L’inspiration et la réalité qui sont exprimées sont le reflet de la société d'aujourd'hui.